Confinement

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Quelle efficacité des mesures de confinement pour lutter contre le Covid?

Toutes les décisions de contrôle ont pour objectif premier de freiner l’augmentation spectaculaire du nombre de patients en situation critique et d’atténuer la pression sur les services de santé [1,2].

Dans un rapport de l’INSERM en mars 2020 à partir d’un modèle épidémiologique et de caractéristiques démographiques une équipe de chercheurs expliquait « Il suffit que 25% des adultes travaillent de chez eux et que les écoles soient fermées pendant 8 semaines pour que le pic épidémique de Covid-19 puisse être retardé de deux mois. Cette combinaison de mesures permettrait également de réduire de 40% le nombre de cas au moment du pic, par rapport à une situation où ces mesures n’auraient pas été prises» [3].

Une étude de modélisation au printemps 2020 [1] a évalué la progression de l’épidémie dans 8 pays (Angleterre, France, Allemagne, Iran, Italie, Pays Bas, Espagne et États Unis) ayant pris des mesures restrictives strictes incluant le confinement comparativement à deux pays (la Suède et la Corée du Sud) ayant seulement interdit les rassemblements publics. Le taux de croissance moyen de nouveaux cas dans ces 10 pays avant mise en place des mesures était de 0,32, variant de 0,23 (0,13-0,34) en Espagne à 0,47 (0,39-0,55) aux Pays Bas. Il était de 0,25 et 0,33 respectivement en Corée du Sud et en Suède. Dans aucun des 8 pays où étaient appliquées les mesures les plus restrictives elles n’eurent d’effet négatif comparativement à la Suède et à la Corée.

En France le bénéfice global des mesures prises a été évalué à + 7% et + 13% comparativement respectivement à la Suède et la Corée du Sud, mais avec une efficacité variable de chaque mesure prise isolément [1]. Sur le court terme la mortalité diminue suite aux mesures de confinement total. Mais sur le long terme, après prise en compte de l’évolution naturelle de l’épidémie, des précocités des prises de décision, des effets concomitants des mesures moins restrictives et du développement simultané des politiques de dépistage, il est difficile de dégager des corrélations significatives des mesures les plus strictes de confinement sur le taux moyen de croissance des nouveaux cas [4]. L’effet ne peut être identifié pour chaque mesure considérée individuellement mais uniquement si combinées entre elles [1].

Évaluer l‘impact des mesures de restriction est important mais difficile. En l'absence d'évaluation empirique des politiques mises en œuvre, leurs effets sur la réduction de la transmission sont supposés plutôt qu'évalués.

Références

[1]. Bendavid E, Oh C, Bhattacharya J, Ioannidis JPA. Assessing mandatory stay-at-home and business closure effects on the spread of COVID-19. European Journal of Clinical Investigation. 2021;51(4):e13484.

[2]. Di Domenico L, Pullano G, Coletti P, Hens N, Colizza V. Expected impact of school closure and telework to mitigate COVID-19 epidemic in France. Report # 8. 14/03/2020.

[3]. INSERM. Nouvelles mesures de confinement : quelle efficacité ? 17/03/2020.

[4]. Perino L. Évidences et limites de l’épidémiologie. Médecine 2021 ; 17(4) :148-50.

Qualité de la preuve : Grade 3.

Mots clés : confinement ; efficacité [lockdown ; efficiency].

Quels effets sur l’humeur des mesures de confinement ?

La situation exceptionnelle créée par l’épidémie, l’absence de traitement efficace, la mise en place des mesures restrictives de libertés et l’information (et désinformation) en continu par tous les médias et réseaux sociaux ont suscité beaucoup de stress et d’anxiété.

Au printemps 2020 une enquête sur la prévalence, les évolutions et les déterminants de l’anxiété des Français face à l’épidémie de Covid-19 au cours des deux premières semaines de confinement a révélé une prévalence élevée de l’anxiété de 26,7% (24,8-28,7) la première semaine et une décroissance la 2e semaine à 21,5% (19,8-23,4) [1].

Selon une synthèse de la DRESS [2,3] à l’issue du premier confinement du printemps 2020, 13,5 % des personnes âgées de 15 ans ou plus en France présentaient un syndrome dépressif, représentant une hausse de 2,5 points par rapport à l’avant confinement en 2019, augmentation particulièrement plus forte chez les 15-24 ans (22,0 % en mai 2020 comparativement à 10,1% en 2019) et chez les femmes (15,8 % en 2020 comparativement à 12,5 % en 2019).

55 % des médecins généralistes ont eu des demandes de soins liés à la santé mentale plus fréquentes qu’à l’ordinaire. 72 % ont estimé ces demandes encore plus fréquentes lors de la deuxième vague en novembre 2020 et pour 16 % d’entre eux le nombre de ces consultations a augmenté de plus de 50 %.

Une revue de 24 études sur 10 continents sur les effets d’une quarantaine à l’occasion de différentes pandémies, SARS, EBOLA, H1N1, MERS, grippe équine, a mis en évidence à long terme chez les sujets ayant subi une mise en quarantaine une forte prévalence de troubles émotionnels, dépression, troubles de l’humeur, insomnie, syndrome de stress post-traumatique [4]. Une durée de quarantaine supérieure à 10 jours augmentait significativement la fréquence des états de stress post traumatique comparativement à une durée inférieure à 10 jours.

Les différentes périodes de confinement ont entraîné une forte hausse de la prévalence de syndromes dépressifs et des demandes de soins pour troubles de l’humeur par rapport aux périodes équivalentes des années antérieures.

Références:

[1]. Chan-Chee C, Léon C, Lasbeur L, Lecrique JM, Raude J, Arwidson P, du Roscoät E. La santé mentale des Français face au Covid-19 : prévalences, évolutions et déterminants de l’anxiété au cours des deux premières semaines de confinement (Enquête CoviPrev 23-25 mars et 30 mars-1er avril 2020). Bull Epidémiol Hebd. 2020; (13):260-9.

[2]. DREES. Confinement du printemps 2020 : une hausse des syndromes dépressifs, surtout chez les 15-24 ans. 2021 ; 1185.

[3]. DREES. Confinement de novembre-décembre 2020 : une hausse des demandes de soins liés à la santé mentale. 2021 ;1186.

[4]. Qiu J, Shen B, Zhao M, Wang Z, Xie B, Xu Y. A nationwide survey of psychological distress among Chinese people in the Covid-19 epidemic: Implications and policy recommendations. Gen Psychiatr. 2020;33(2):e100213.

Qualité de la preuve : Grade 3

Mots clés : confinement ; troubles de l’humeur [lockdown ; mood disorders]

Certaines populations sont-elles plus exposées que d’autres ?

Le risque varie en fonction du contexte psycho-social.

Dans l’enquête CoviPrev [1] sur la santé mentale des Français face au Covid-19 un risque plus élevé d’anxiété était associé :

- à des caractéristiques sociodémographiques : être une femme, un parent d’enfant(s) de 16 ans ou moins, déclarer une situation financière difficile ;

- 'aux conditions de vie liées à la situation épidémique : télétravailler et avoir un proche malade ou ayant eu des symptômes du Covid-19 ;

- aux connaissances, perceptions et comportements face au Covid-19 : percevoir le Covid-19 comme une maladie grave et se sentir vulnérable face à cette maladie.

À l’inverse, avoir une bonne connaissance des modes de transmission de la maladie, respecter les mesures de confinement, se sentir capable d’adopter les mesures de protection et avoir confiance dans l’action des pouvoirs publics diminuaient le risque d’anxiété [2].

Des études relatives à diverses situations épidémiques observent généralement une atténuation au fil du temps de la perception du risque et de l’anxiété en lien avec un sentiment d’adaptation à la notion de risque [1,4].'

Références

[1]. Chan-Chee C, Léon C, Lasbeur L, Lecrique JM, Raude J, Arwidson P, du Roscoät E. La santé mentale des Français face au Covid-19 : prévalences, évolutions et déterminants de l’anxiété au cours des deux premières semaines de confinement (Enquête CoviPrev 23-25 mars et 30 mars-1er avril 2020). Bull Epidémiol Hebd. 2020; (13):260-9.

[2]. Bao Y, Sun Y, Meng S, Shi J, Lu L. 2019-nCoV epidemic: address mental health care to empower society. The Lancet. févr 2020;395(10224):e37 8.

[3].Brooks SK, Webster RK, Smith LE, Woodland L, Wessely S, Greenberg N, et al. The psychological impact of quarantine and how to reduce it: rapid review of the evidence. The Lancet. 2020;395(10227):912 20.

[4]. Qiu J, Shen B, Zhao M, Wang Z, Xie B, Xu Y. A nationwide survey of psychological distress among Chinese people in the Covid-19 epidemic: Implications and policy recommendations. Gen Psychiatr. 2020;33(2):e100213.

Qualité de la preuve : Grade 3

Mots clés : confinement ; troubles de l’humeur [lockdown ; mood disorders].

Les répercussions du confinement sont-elles les mêmes chez les plus jeunes ?

Une détérioration de la santé mentale est inégalement ressentie chez les enfants, les adolescents et les jeunes adultes.

Dans une étude descriptive sur l’état psychologique et le vécu de 3898 enfants et adolescents de 9 à 18 ans lors du premier confinement [1], comparativement aux jeunes enfants les adolescents déclaraient avoir plus de difficultés pour s’endormir (30% vs 27,2%), manger trop souvent (25,1% vs 12,5%), se sentir plus tristes (7% vs 2,2%), plus nerveux (13,1% vs 5,2%), plus fatigués (27% vs 10,5%), avoir très peur (5,2% vs 4,6%), s’ennuyer beaucoup (34,9% vs 22,7%).

L’ensemble des jeunes enfants et adolescents de cette étude ayant ressenti une détresse psychologique, comparativement à ceux ne l’ayant pas ressentie, étaient exposés à des conditions de vie plus difficiles :

- Conditions de logement : vie en zone urbaine (66,2% vs 61,9%), sans accès à un extérieur ; logement sur-occupé (18,6% vs 15,1%) ; absence ou mauvaise qualité de connexion Internet (21,5% vs 14,6%) ;

- Conditions économiques : parents en difficultés financières (53,2% vs 39%) ; vie plus fréquente en famille monoparentale (25,9% vs 22,2%) ;

- Caractéristiques des parents : parents de niveau d’étude inférieur (52% vs 45,5%) ou au chômage (7,3% vs 5,3%), nés à l’étranger (9,7% vs 5,7%), davantage d’isolement social (22,5% vs 9%) ;

- Augmentation des violences intrafamiliales et dégradation des relations des enfants et des adolescents avec leurs frères et sœurs (29,7% vs 12,1%) et leurs parents ou éducateurs (34,5% vs 8,9%) ;

- Moins de sorties : 32,9% vs 17,8% chez les enfants et 53,1% vs 41,4% chez les adolescents ;

- Plus de temps (> 3 heures) sur les réseaux sociaux (63,3% vs 47,5%) et plus d’écran (> 3 heures) : 22,7% vs 12,2% pour les enfants et 39,9% vs 32,8% pour les adolescents ;

- Pas d’activités ludiques, sportives ou manuelles (33,9% vs 21,7%).

Une enquête Ipsos [2] début 2021 auprès de 404 jeunes adultes (18 à 24 ans) révèle que 32% souffrent d’un trouble de santé mentale (+11% par rapport à l’ensemble de la population), 40% rapportent un trouble anxieux généralisé (+9% par rapport à l’ensemble des Français) et 21% rapportent des symptômes de troubles dépressifs. Presque 3 jeunes sur 10 ont eu des pensées suicidaires et ne connaissent pas les structures de prise en charge.

Dans une étude chez plus de 69 054 étudiants français [3], la santé mentale est altérée pour 1 étudiant sur 2 : dépression sévère (16%), stress (25%), anxiété (27%) ou idées suicidaires (11%) mais 6% seulement des étudiants ont consulté un professionnel de santé.

La santé mentale des jeunes s’est clairement dégradée lors du confinement notamment celle des adolescents et des étudiants en particulier les filles, ceux qui souffrent de précarité, d’un manque d’interaction sociale ou d’antécédents psychiatriques.

Références :

[1]. Vandentorren S, Khirredine I, Estevez M et al. Premiers résultats des facteurs associés à la résilience et à la santé mentale des enfants et des adolescents (9-18 ans) lors du premier confinement lié à la Covid-19 en France. BEH. 2021;(Cov_8):2-17.

[2].IPSOS. Perceptions et représentations des maladies mentales. Avec l’urgence sanitaire, l’urgence psychiatrique. Focus 18-24 ans. Janvier 2021.

[3]. Wathelet M, Duhem S, Vaiva G et al. Factors Associated With Mental Health Disorders Among University Students in France Confined During the COVID-19 Pandemic. JAMA. 2020; 3(10):e2025591.

Qualité de la preuve : Grade 3.

Mots clés : confinement ; santé mentale ; enfant ; jeune adulte [lockdown ; children ; young adult ; mental health]

Quel impact du confinement sur les consommations de drogues, tabac ou alcool ?

Pendant la pandémie les habitudes de consommation ont profondément changé.

Un volet spécial Covid-19 de l’enquête Gobal Drug Survey [1] sur 7 semaines correspondant au premier confinement, entre mars et mai 2020, a exploré de façon rétrospective l’impact du confinement et des premières semaines du déconfinement sur les consommations de produits psychoactifs en population générale. Les résultats mettent en évidence :

- Une augmentation du nombre de jours de consommation d’alcool mais pas d’augmentation du binge drinking.

- Une relative stabilité de l’usage de cannabis même si une augmentation relative en comparaison aux autres pays a pu être observée.

- Un usage d’ecstasy et de cocaïne en baisse.

- Une augmentation de l’usage de benzodiazépines.

Dans l’enquête CoviPrev de Santé Publique France en population générale [2] :

Tabac. Sur 442 fumeurs interrogés 27%, 55% et 19% déclarent respectivement avoir augmenté leur consommation de tabac en moyenne de 5 cigarettes / jour, qu’elle est stable et qu’elle a diminué. 94% des individus déclarant avoir augmenté leur consommation étaient fumeurs auparavant.

L’augmentation était plus fréquente chez les 25-34 ans (41%) travaillant à domicile (37%) et les femmes (31%).

Alcool. Sur 1344 usagers d’alcool, 11%, 65% et 24% déclarent respectivement avoir augmenté leur consommation, quelle est restée stable ou qu’elle a diminué.

Parmi ceux qui ont augmenté leur consommation 51% ont augmenté la fréquence, 10% le nombre de verres bus et 23% les deux à la fois.

L’augmentation touche plus les moins de 50 ans, les parents d’enfants de moins de 16 ans et les personnes vivant dans des villes de plus de 100 000 habitants.

Dans tous les cas les raisons invoquées sont l’ennui, le manque d’activité et la recherche de plaisir. Les augmentations de consommation de tabac et d’alcool sont en relation et augmentent les niveaux d’anxiété et dépression.

Dans l’ensemble la quantité d’alcool consommé pendant la période de confinement et les premières semaines de déconfinement n’a pas évolué mais lorsque ce fut le cas l’évolution s’est faite le plus souvent à la hausse [3].

Références:

[1] Global Drug Survey.

[2] Santé Publique France. CoviPrev : une enquête pour suivre l’évolution des comportements et de la santé mentale pendant l'épidémie de COVID-19. MAJ 23/09/2021.

[3] OCDE. Lutte contre le coronavirus (Covid-19) : pour un effort mondial. Effets du Covid-19 sur la consommation d’alcool et mesures prises pour prévenir la consommation nocive. 19 mai 2021.

Qualité de la preuve : Grade 1

Mots clés : confinement ; alcool ; tabagisme [lockdown ; alcohol ; tobacco smoking]