Accès aux soins des personnes en situation de handicap

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Quels sont les obstacles à l'accès aux soins des personnes en situation de handicap ?

Les obstacles pour un accès aux soins courants sont multiples, complexes et variés, mais des pistes de réponses existent qui doivent s’appuyer sur des principes forts et partagés :

1. Donner aux personnes en situation de handicap la liberté de choisir leurs soignants ainsi que les modalités et les lieux de soins. Ceci constitue un préalable éthique incontournable, au même titre qu’assurer sur toute l’étendue du territoire l’égalité de traitement entre personnes en situation de handicap demandeurs de soins.

2. Consolider dans leur rôle d'acteur les personnes en situation de handicap, leur famille et leurs aidants en accroissant leurs capacités et leur autonomie par le soutien de dispositifs d'information, d'orientation et d'accompagnement personnalisés et coordonnés.

3. Développer l'offre de formation tant initiale que continue pour les professionnels de santé afin d’améliorer leur connaissance des problématiques du champ du handicap, les accompagner par l'échange de bonnes pratiques et les soutenir pour remplir leurs obligations en matière d'accessibilité.

4. Amplifier la mise en place de formules d'accompagnement individualisé au sein du système de santé (par exemple interprètes – médiateurs en communication alternative, dont la langue des signes français pour les sourds) et des aides techniques en particulier à la mobilité, et instaurer les soutiens et relais nécessaires pour les familles et les autres aidants.

5. Satisfaire à l’exigence de traitement non discriminatoire des personnes en situation de handicap, ce qui n’exclut pas des actions spécifiques mais doit d’abord reposer sur la mise en état des structures de droit commun pour qu’elles puissent répondre aux besoins de ces personnes, sans que ces dernières ne soient contraintes d’emprunter des circuits spécifiques ou de satisfaire à des formalités particulières. Lorsque des actions spécifiques sont nécessaires, comme la création d’instances ou d’équipes ressources, elles doivent se faire au mieux à l’intérieur ou à proximité des structures de droit commun.

Certains obstacles importants à l’accès aux soins sont de l’ordre de l’invisible : le handicap, dans son vécu potentiellement douloureux et son image sociale redoutée, envahit le champ des préoccupations de la personne concernée, des familles, des soignants et équipes d’accompagnement. Ces éléments obèrent souvent la reconnaissance du droit à la santé globale et la nécessité d’y accéder pour les personnes concernées. Beaucoup d’autres obstacles trouvent leur racine dans le manque d’accessibilité (architecturale, informationnelle...) de notre société, dans le manque de formation et d’information des acteurs, enfin dans une organisation complexe et cloisonnée de l’offre de services et de soins développée au bénéfice des intéressés.

L’élimination des obstacles repérés passe par une mobilisation de la société dans son ensemble. Il est clair qu’un rôle essentiel incombe aux pouvoirs publics en matière d’édiction de normes, pour dégager des moyens financiers et pour assurer la régulation nécessaire. Mais il appartient aussi aux professionnels de la santé et du médico-social ainsi qu’aux familles et aux personnes en situation de handicap elles-mêmes de prendre leur part de l’effort à accomplir.


Il existe un manque d’information et de formation chez tous les acteurs, tant sur les déficiences et leurs traitements que sur l’appréhension globale de la santé chez les personnes dont les déficiences masquent trop souvent les besoins communs à toute personne : prévention des maladies et accidents, dépistages, bonnes pratiques (lutte contre l’obésité et les addictions par exemple), possibilités de recours aux équipes de santé publique (protection maternelle et infantile, santé scolaire, éducation pour la santé,...), traitement de la douleur, recours aux soins palliatifs, etc.

L’utilisation de matériel pédagogique adapté aux différents types de handicap et aux différentes tranches d’âge est préconisée (livret d’accueil adapté, fiche sans langage écrit, posters avec supports visuels, vidéos, etc.). L’Institut National de Prévention et d’Education de la Santé (INPES) devrait être sollicité pour construire et diffuser des outils généralistes qui seront adaptés au cas par cas par les accompagnants. L’utilisation d’une « fiche de liaison de vie quotidienne » devrait permettre à la personne de se faire comprendre plus facilement sur ses habitudes de vie et sur les principales caractéristiques de sa situation clinique, en vue d’éviter des erreurs majeures d’orientation et de prise en charge, notamment aux urgences. Un carnet de santé détenu par la personne handicapée elle-même ou ses aidants la rend acteur de sa santé, il est aussi le garant du lien entre soins spécifiques et soins courants.

Des annuaires recensant les ressources disponibles, notamment celles apportant des réponses de proximité adaptées (incluant les services départementaux d’urgence et d’hospitalisation accessibles aux personnes handicapées) doivent être constitués et partagés entre personnes en situation de handicap, familles, aidants et équipes soignantes. Il importe que ces annuaires, éventuellement établis avec l’aide des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH), soient rendus interrogeables à distance.

Des formations devraient être proposées aux professionnels sur une éthique de la relation basée sur la confiance réciproque, la co-décision éclairée en santé, de façon à ce qu’ils puissent s’adapter aux besoins spécifiques des personnes handicapées.

Une information large doit être diffusée sur tous les dispositifs de médiation et de recours existants pour les personnes (de la médiation jusqu'à la saisine de la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité [HALDE]).


La conception des projets de soins ou d’accompagnement souvent ne prend pas en compte toutes les formes de soins de base, ni même la prévention des accidents et des maladies intercurrentes, le dépistage et les soins palliatifs.

⇒ Encourager les établissements médico-sociaux, qu’ils soient prestataires de soins ou simples facilitateurs d’accès aux soins, à formaliser et mettre en pratique une démarche globale de soins. Celle-ci s’inscrit sur un double niveau : collectif (composante du projet d'établissement) et individuel, notamment dans les documents de contractualisation réglementaires (contrat de séjour, projet personnalisé, livret d’accueil, etc.).

⇒ Inclure dans les démarches d'évaluation et de certification des établissements et services la vérification de la réalisation du projet global de soins (notamment lors de l’évaluation externe conduite à partir de 2010 par l’Agence Nationale d’Évaluation Sociale et Médico-sociale [ANESM]).

⇒ Préciser le rôle d’un médecin coordonnateur au sein de ces structures. Ce rôle existe, mais avec une grande hétérogénéité des missions et des pratiques et les moyens n’en sont pas toujours donnés aux établissements alors que des modèles existent dont on peut s’inspirer (Etablissement d'Hébergement pour Personnes Âgées Dépendantes : EHPAD).

⇒ Favoriser l’élaboration et la diffusion de recommandations de bonnes pratiques portant notamment sur la surveillance médicale régulière des personnes par type de handicap et par tranche d’âge ainsi que sur leur accès à l’éducation pour la santé et à la prévention générale.

La mise en accessibilité, dont l’obligation est rappelée par la loi de 2005, subit des retards considérables : inaccessibilité des transports et des lieux de soins publics et privés, insuffisance des signalétiques, inadaptation des matériels, ... . Ces situations gênent l’accès aux soins des personnes en situation de handicap et compromettent leur liberté de choix.

⇒ Au-delà des obligations légales concernant les établissements recevant du public, planifier la mise en accessibilité des établissements de santé et des locaux des professionnels de santé d’ici 2015 (notamment signalétique adaptée à tous les types de handicap, aménagement architectural des locaux, matériels dédiés aux soins adaptés aux besoins spécifiques, dispositifs de compensation tel qu’accompagnement, interprète, outils d’aide à la communication,...).

⇒ Pour les personnes avec un handicap moteur, généraliser les aides techniques à la mobilité (table électrique, lève personne). Les aides liées à la personne doivent être acceptées dans tous les lieux de soins y compris en cas d’hospitalisation (par exemple prothèses et fauteuil roulant). ⇒ Optimiser l’accueil des personnes en situation de handicap et des aidants par la création d’une « cellule handicap » dans chaque établissement de santé. ⇒ Prévoir des aides à l’investissement ou des déductions fiscales afin de permettre aux professionnels libéraux de faire face à leurs obligations en matière d’accessibilité. ⇒ Afin de garantir l’accès aux urgences pour les personnes en situation de handicap, permettre de contacter le 15 (urgences) par fax ou par SMS, mettre en place le Centre National de Relais pour l’accès aux urgences des personnes sourdes, dont le principe pourrait être étendu aux autres handicaps, mettre en œuvre la recommandation de la Société Française de Médecine d’Urgences (SFMU, 2004) sur l’accessibilité des services d’urgences aux personnes en situation de handicap et en garantir l’application.

Pour les personnes ayant des troubles de la communication l’accompagnement humain, indispensable à toutes les personnes en situation de handicap, nécessite d’être renforcé et complémenté. En effet, ce type de difficultés laisse souvent les soignants démunis et induit des errements dans le diagnostic ou l’orientation, voire aboutit à des négligences passives.

⇒ Des outils d’aide à la communication existent (par exemple pictogrammes). Il reviendrait à la Caisse Nationale de Solidarité pour l’Autonomie (CNSA) de les recenser, de les valider puis de les diffuser.

⇒ Concernant les personnes sourdes, des unités d’accueil et de soins répondant aux critères décrits dans la circulaire du 20 avril 2007 doivent être créées dans chaque grande ville.

⇒ Un métier d’intermédiation pourrait être défini et créé, tant pour les personnes sourdes que pour celles présentant des troubles de l’élocution. Il devrait à l’avenir être élargi à d’autres situations de handicap.

Le manque de disponibilité des professionnels est aggravé par l’évolution démographique défavorable des professionnels de santé (carence en médecins, infirmiers, kinésithérapeutes,...) ainsi que par certains impératifs de rentabilité, alors que la situation de handicap exige plus de temps pour écouter et comprendre les besoins et attentes des personnes handicapées, localiser leur douleur, communiquer avec elles,.... ⇒ Réviser la tarification/cotation des actes prodigués aux personnes en situation de handicap (ou en prévoir une) pour tenir compte des surcoûts et du surcroît de temps qu’ils comportent, afin de ne pas dissuader les professionnels de les accomplir ou de ne pas en laisser la charge aux personnes en situation de handicap (interprètes, matériel et personnels supplémentaires, durée des consultations et des soins). ⇒ Introduire un tarif préférentiel de consultation à un taux double ou triple du tarif conventionnel actuel pour les personnes reconnues handicapées par les MDPH. ⇒ Une partie de ces surcoûts relève clairement de la notion de compensation du handicap et devrait trouver une imputation budgétaire finale correspondante.

La coordination des soins – dont ceux non liés au handicap – constitue un autre enjeu majeur. Il existe notamment un déficit d’écoute de la personne en situation de handicap et de sa famille par les soignants, des difficultés de communication au sein des établissements et services spécialisés, entre les soignants et les aidants, ainsi qu’un cloisonnement entre le sanitaire, le médico-social et le social. Ces éléments sont source de gâchis et de redondances, voire de conflits et d’inefficacité. Les tentatives actuelles de coordination des acteurs du soin se soldent souvent par une complexification et un empilement des dispositifs, centrés sur les soins spécialisés et sans valeur ajoutée objectivable pour les bénéficiaires.

⇒ Favoriser la coordination des acteurs et des projets de soins autour de la personne selon des formules rendant lisible un parcours de soins cohérent dans les territoires de santé en privilégiant les réponses de proximité, avec trois objectifs :

1/ Lever les freins de l’accès aux soins;

2/ prévenir, informer et conseiller les personnes ;

3/ assurer la continuité des soins.

⇒ La coordination doit s’exercer à plusieurs niveaux : au sein des établissements et services médico-sociaux, entre les acteurs médico-sociaux et les professionnels de santé extérieurs (par exemple mise en place de consultations pluridisciplinaires), entre les équipes hospitalières et médico-sociales, enfin en faveur des personnes à domicile, dépourvues d’un accompagnement approprié par leur médecin traitant. ⇒Dans les situations complexes, un coordonnateur devra être identifié parmi les intervenants médicaux, paramédicaux ou sociaux. Différents modèles devront être expérimentés ou recensés puis évalués, ce rôle pouvant être confié à la CNSA.

Les cloisonnements propres à la société française entre les secteurs sanitaire et médico-social constituent également un obstacle à l’accès aux soins de base, en termes de coordination mais également d’offre de soins sur un territoire donné :

⇒ Dans le cadre de la future loi Hôpital, Patients, Santé, Territoire (HPST), le schéma régional d’organisation des soins (SROS) de premier recours doit intégrer la dimension des besoins spécifiques des personnes en situation de handicap, sous son double aspect de l’accès aux dispositifs de droit commun et des adaptations en fonction du type de déficience et d’incapacité.

⇒ Les objectifs en matière de qualité des soins et d’accueil des personnes en situation de handicap et de leur entourage doivent être inclus dans les contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens (CPOM) passés entre l’échelon régional, les établissements de santé et les établissements ou services médico-sociaux.

⇒ Dans le cas où un acte spécifique doit être pratiqué au-delà d’une consultation ordinaire d’un médecin spécialiste, il convient d’organiser à l’échelon départemental ou si besoin régional une consultation spécialisée capable de réaliser l’acte en question (par exemple anesthésie générale pour les soins bucco-dentaires chez une personnes en situation de handicap présentant des troubles du comportement).

⇒ Favoriser l’intervention des professionnels médico-sociaux dans les lieux de soins et, à l’inverse, celle des professionnels de santé dans les établissements et services médico- sociaux. La réglementation doit être assouplie afin de permettre l’intervention de l’hospitalisation à domicile (HAD) et des équipes mobiles de soins palliatifs au sein des établissements médico-sociaux.

Les services d'accompagnement médico-social pour adultes handicapés (SAMSAH), compte tenu de leur mission « d’accompagnement favorisant l’accès aux soins » sont a priori des services pouvant répondre à la problématique d’accès aux soins non spécialisés. Mais promouvoir un tel rôle implique les conditions suivantes :

⇒ Que leur création se justifie à partir de l’analyse des attentes des personnes en situation de handicap - sur un territoire donné – non ou mal prises en compte par les dispositifs de soins existants. Cette analyse doit porter sur l’offre de soins globale et inclure les soins non directement liés au handicap.

⇒ Que soit préservée la souplesse du cadre réglementaire laissant ouvert le choix et la nature des prestations de soins (dispensation, coordination, accompagnement) et les modalités de leur délivrance (personnels salariés, libéraux conventionnés, partenariats). Il importe en particulier que les personnes admises soient autorisées à conserver tout ou partie de leurs intervenants médicaux ou paramédicaux.

⇒ Que les situations problématiques d’accès aux soins non spécialisés soient repérées très en amont, dans une optique de prévention efficiente et que les personnes concernées se voient proposer, si besoin, l’aide d’un SAMSAH par les commissions des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH).

⇒ Que la bonne utilisation du déplafonnement des forfaits de soins garantisse l’adéquation entre l’allocation de ressources et les charges en soins supportées par le service et ses modes d’organisation et de fonctionnement (comme pour les foyers d’accueil médicalisé (FAM) qui relèvent de la même logique de forfait global de soins). Des outils de mesure des charges en soins doivent être élaborés en collaboration avec les acteurs du secteur médico-social.

⇒ Que la fonction de coordination soit définie dans ses modalités de mise en œuvre et reconnue par l’ensemble des partenaires afin d’en garantir le caractère effectif, et que soient évalués l’apport et la place des SAMSAH en matière d’accès aux soins et de coordination.

L’empilement et les contradictions des réglementations successives et parallèles, notamment en matière de tarification des établissements et services, restreignent la solvabilité et aggravent les inégalités dans l’accès aux soins des personnes en situation de handicap. Pour les personnes hébergées ou accompagnées par des établissements ou services médicalisés, les modes de tarification (forfaits soins à la place) peuvent diminuer le reste à charge de personnes aux revenus souvent faibles. Cependant, ils ont pour conséquence de limiter le choix des intervenants et des lieux de soins sans pour autant garantir un meilleur accès à l’ensemble des soins, notamment les soins courants.

⇒ Simplifier les démarches et les réglementations dont la complexité et les contradictions constituent actuellement une des barrières à l’accès aux soins.

⇒ Clarifier les textes fixant les conditions de calcul du pourcentage des ressources restant aux personnes en situation de handicap hébergées en établissement. Il importe en particulier de rendre incontestable que les ressources prises en compte sont nettes des charges d’une couverture maladie complémentaire.

⇒ Reprendre la réflexion sur le critère d’inclusion ou d’exclusion des différentes catégories de soins dans la mission et le budget des établissements. Si le critère de la mission de l’établissement est retenu, pour toutes les catégories d’établissements et de services, un travail précis et transversal doit être effectué sur la définition de leur mission au regard des soins.

⇒ Favoriser le développement des actions de prévention en les intégrant aux missions des établissements et services et, le cas échéant, à leurs budgets.

⇒ Réajuster le seuil de la couverture maladie universelle (CMU) complémentaire pour que les titulaires de l'allocation adulte handicapé (AAH) puissent en bénéficier.

⇒ Disposer sur ces points d’un « chef de file » clairement identifié au sein des administrations centrales et dont la compétence juridique soit solidement établie.

Consolider un socle de connaissances épidémiologiques permettant d’évaluer l’impact des politiques publiques ou des actions entreprises pour améliorer l’accès aux soins.

⇒ En exploitant les données anonymisées contenues dans les dossiers des MDPH.

⇒ En intégrant la question de l’accès aux soins dans les enquêtes telles que l’enquête décennale à domicile Handicap, Incapacité, Dépendance (HID), réalisée sous l’égide de l’INSERM et de l’INSEE et reconduite en 2008.

⇒ En procédant à une étude d'impact sur l’accès aux soins de toutes les politiques publiques.